21-05-2024

La santé mentale des femmes au travail se dégrade : un enjeu pour les entreprises

La question de la souffrance au travail est devenue centrale depuis une dizaine d’années. Les études et sondages se multiplient et laissent entrevoir une réalité on ne peut plus angoissante : la vague d’épuisements professionnels, de mal-être ou de besoins de reconversions ne semble pas s’atténuer. Le 5 mars 2024, le bulletin épidémiologique de Santé publique France a révélé une forte augmentation des signalements de souffrance psychique en lien avec le travail des femmes. La prévalence serait même deux à trois fois plus élevée chez la gent féminine que chez les hommes. Cette disparité soulève des questions légitimes : pourquoi les femmes sont-elles plus touchées par cette souffrance ? Quels facteurs contribuent à cette surexposition aux risques psychosociaux ? Quelles conséquences sur l’entreprise ? Wellbeing Journey fait le point.

Une prévalence élevée de souffrance psychique et d’épuisement nerveux chez les femmes

Dans une étude menée par Santé publique France, la prévalence alarmante de la souffrance psychique liée au travail (SPLT) chez les femmes est mise en lumière. Les données utilisées sont celles du Programme de surveillance des maladies à caractère professionnel (MCP) entre 2013 et 2019. Elles révèlent que la prévalence de la SPLT a doublé chez les femmes : entre 2007 et 2019, elle est passée de 2,4 % à 5,9 %. Cette augmentation est également notable côté hommes, mais moins prononcée (de 2,7 % à 2,6 % sur la même période).

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Les troubles anxieux et dépressifs sont les affections psychiques les plus fréquemment signalées par les médecins du travail. En plus du sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle et le secteur d’activité sont des facteurs qui influent fortement sur la détérioration de la santé mentale des femmes. Par exemple, le risque de signalement de la SPLT est plus élevé chez les salariées de plus de 35 ans que chez les moins de 25 ans. De plus, les femmes cadres semblent être particulièrement touchées par cette problématique.

La surexposition féminine aux risques psychosociaux

L’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) identifie six grandes familles de risques psychosociaux :

  • L’intensité et le temps de travail ;
  • Le manque d’autonomie et de marge de manœuvre ;
  • Les exigences émotionnelles ;
  • Les rapports sociaux dégradés et le manque de reconnaissance au travail ;
  • L’insécurité de la situation de travail.

Ces enjeux touchent particulièrement les femmes et les secteurs à prédominance féminine. Elles sont notamment surreprésentées dans des domaines comme celui du « care » où les risques psychosociaux sont minimisés, mais pourtant bien présents. Par exemple, les salariées de l’aide à domicile ont souvent des horaires atypiques, un travail fractionné, une charge mentale intense et peu de marge de manœuvre. Par ailleurs, c’est un métier exigeant sur le plan émotionnel : les contacts avec la souffrance humaine sont fréquents et nécessitent une maîtrise des émotions coûteuse en énergie (travail émotionnel). Mais les professions du « care » ne sont pas les seules concernées. Parmi les indépendantes aussi, il a été montré que la charge mentale est plus lourde que chez les hommes, à fortiori dans des situations de monoparentalité.

Plusieurs facteurs expliquent la forte hausse des signalements de souffrance psychique au travail chez les femmes. Ils sont à la fois organisationnels, relationnels, éthiques, managériaux. L’un des sujets régulièrement mis sur la table par les professionnelles en souffrance ? La question de la grossesse dans la carrière. D’après une enquête menée par le Conseil national des barreaux en 2022, 61,5 % des avocates auraient été victimes de harcèlement ou de discrimination en lien avec la grossesse ! En cause également, les violences sexuelles et sexistes au travail, qui touchent particulièrement la gent féminine. 8 % d’entre elles estiment avoir subi un comportement sexiste au travail. Sans surprise, ce chiffre monte à 16 % dans les emplois « plutôt masculins » (industrie, BTP…). Les liens entre travail et santé mentale sont donc complexes et multifactoriels.

Quelles conséquences de la souffrance au travail sur la vie professionnelle et personnelle des femmes ?

La souffrance au travail affecte profondément la santé physique et mentale des femmes. Cela se traduit par un éventail de symptômes tels que la culpabilité, l’anxiété, la dépression, les troubles du sommeil, le stress et les addictions, avec toutes leurs répercussions sur leur bien-être personnel et professionnel. Pire, cette souffrance entraîne souvent des pertes financières, des difficultés relationnelles avec l’entourage, voire une rupture de la vie sociale.

Face à ces situations, de nombreuses femmes envisagent une reconversion professionnelle pour échapper à ces environnements toxiques et rechercher plus d’autonomie et de flexibilité. 57 % des actives rêvent de changer de métier, de secteur ou de statut professionnel. La deuxième raison expliquant cette envie d’évolution ? La souffrance au travail, se traduisant par un épuisement professionnel, un environnement nocif, une charge de travail trop importante.

Ce n’est pas tout. La souffrance au travail des femmes représente un véritable enjeu de santé publique. Les coûts associés aux affections psychiques liées au travail sont considérables. En moyenne, les arrêts de travail pour troubles psychiques reconnus en AT (accident du travail) atteignent une durée de 112 jours. Les maladies professionnelles d’ordre psychique entraînent quant à elles des arrêts encore plus longs, de 400 jours environ. Au total, la prise en charge des affections psychiques liées au travail a représenté 230 millions d’euros pour la branche AT-MP en 2016 (rapport Santé travail : enjeux et actions, 2018). De plus, les journées d’activité perdues en raison de la dépression ou de l’anxiété ont un impact économique significatif sur la performance des entreprises.

Il est donc indispensable d’agir en mettant en place des mesures de prévention efficaces. Création d’environnements de travail sains et égalitaires, encouragement du développement professionnel, prise en compte de l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle… En adoptant une approche proactive, les entreprises peuvent contribuer, à leur échelle, à préserver la santé mentale et le bien-être des femmes sur leur lieu de travail.

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Auteur: Team Wellbeing Journey
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