12-04-2024

Santé mentale des hommes au travail : osons en parler sans tabou

La souffrance psychique toucherait près d’un Français sur 5. Parmi eux, des hommes frappés par ce que certains qualifient d’épidémie silencieuse. D’après les chiffres de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé), 4 % seraient atteints de dépression. Pourtant, les conséquences sont parfois dramatiques : la majorité des décès par suicide en France sont masculins. La réticence à chercher de l’aide est saisissante : une étude YouGov pour Psychologies montre que seulement 25 % des hommes français ont consulté un psychothérapeute. De quoi expliquer le décalage frappant entre un faible taux de diagnostic et un fort taux de suicide chez les hommes. Stéréotypes de genre, masculinité toxique, tabou de la santé mentale masculine… Il est donc grand temps de lever les barrières invisibles et de libérer la parole, y compris en entreprise.

Pourquoi parler de la santé mentale masculine ?

La souffrance psychique est universelle. En revanche, dans une société où les stéréotypes de genre persistent, la manière dont hommes et femmes expriment et gèrent leurs émotions et leur bien-être psychologique peut varier. Si cet article traite spécifiquement de la santé mentale des hommes, c’est parce que l’expression de la souffrance diffère selon le sexe. Les statistiques du Baromètre de Santé publique France sont claires : les femmes sont plus enclines à avoir des pensées suicidaires et à passer à l’acte. Mais elles cherchent aussi plus activement de l’aide auprès de professionnels de santé mentale. À l’opposé, les hommes sont moins touchés par la dépression ou les velléités suicidaires. Lorsqu’ils font état de leur souffrance, ils ont tendance à la partager avec des collègues plutôt qu’avec des spécialistes. L’espace de l’entreprise doit donc être repensé comme un lieu de soutien et de recueil de la parole à part entière. Une étude menée chez nos voisins suisses confirme ces comportements : les hommes demandent moins souvent de l’aide et agissent de manière moins bienveillante envers eux-mêmes que les femmes. De plus, le soutien social masculin semble être moins prononcé. En d’autres termes, les relations interpersonnelles entre hommes sont moins susceptibles d’apporter un support psychologique en cas de souffrance mentale.

Si certaines personnes parlent d’« épidémie silencieuse » pour qualifier les troubles de santé mentale qui touchent les hommes, c’est surtout à cause du décalage flagrant qui existe entre la souffrance exprimée et les chiffres de décès par suicide. Chez l’homme, le taux de décès par suicide est nettement plus élevé, comme le montrent les données de l’Inserm CépiDc : en 2021, 6 752 suicides ont conduit au décès chez les hommes contre 2 199 chez les femmes. Ce contraste alarmant suggère une chose : la souffrance mentale masculine est probablement sous-évaluée, en grande partie à cause d’une réticence à consulter des professionnels de santé formés.

La masculinité toxique et enfermante en cause ?

Fort, viril, stoïque… Un homme, un vrai, ne se plaint pas, encaisse et agit. Les stéréotypes de genre, profondément ancrés, façonnent la perception que nous avons de la santé mentale. Dès le plus jeune âge, certains garçons sont élevés de manière à se montrer solides, à ne pas exposer leurs faiblesses. Si les regards évoluent lentement, l’image d’une masculinité où l’expression des vulnérabilités n’a pas sa place est souvent perpétuée, malgré nous.

Dans des secteurs majoritairement masculins, cette conception de l’homme peut cristalliser le silence autour des questions de santé mentale. L’entreprise devient alors un environnement où demander de l’aide semble inconcevable. Admettre avoir des difficultés d’ordre mental peut être perçu comme un aveu de faiblesse. Difficile de se montrer vulnérable, qui plus est dans une société où l’idéal de réussite et de performance prédomine. Face à la peur de la stigmatisation, il est donc préférable pour beaucoup de faire cavalier seul.

Heureusement, la parole semble se libérer. Des personnalités publiques brisent le tabou de la santé mentale, comme Stromae, cet artiste ayant partagé sa dépression au journal télévisé, à une heure de grande écoute. Après son intervention, les appels au numéro de prévention du suicide (3114) ont augmenté de près de 13 %.

Comment agir pour préserver la santé mentale des hommes au travail ?

Sensibiliser aux questions de santé mentale masculine

L’entreprise est l’un des lieux de sociabilisation principaux dans la vie d’un homme. Il est donc essentiel de briser le tabou et de mettre en lumière des initiatives autour de la santé mentale des hommes. Cela passe avant tout par une déstigmatisation du sujet. En parler permet de démystifier les choses : la santé mentale concerne tout le monde et que n’importe qui peut être confronté à des moments difficiles, indépendamment de son genre.

Organiser des conférences ou des formations spécifiques peut éclairer les origines de ce tabou et ses conséquences, non seulement sur les hommes eux-mêmes, mais également sur leur entourage, au bureau comme à la maison. Mais le plus simple reste de s’inscrire dans la lignée d’initiatives phares telle que celle portée par Movember. Cet événement caritatif est organisé chaque année, en novembre, pour mettre en lumière la santé des hommes : cancer de la prostate et des testicules, santé mentale et prévention du suicide sont des sujets abordés en toute transparence à cette occasion.

Pour rechercher de l’aide dans les moments les plus difficiles, on estime qu’une personne doit passer par trois grandes étapes :

  • Définir le “problème” rencontré ;
  • Décider de rechercher de l’aide ;
  • Le faire de façon concrète.

Or, il a été démontré que, dès la première étape, les femmes savaient mieux identifier les problèmes de santé mentale rencontrés que les hommes. En tant qu’employeur vous pouvez donc aider à lever ce premier obstacle. Comment ? En fournissant par exemple des ressources variées autour de la santé psychique à l’ensemble des collaborateurs. De nombreuses plateformes QVT comme Wellbeing Journey proposent des contenus de tous formats pour favoriser le bien-être global des salariés.

Oser en parler dans le cadre professionnel

Lorsqu’une personne en souffrance se décide à rechercher de l’aide, c’est généralement vers ses proches qu’elle se tourne. En tant que collègue, manager ou RH, il est vital de s’informer pour savoir recueillir la parole en cas de besoin. Encourager la discussion autour de ces sujets nécessite de poser les bonnes questions, d’être à l’écoute, et de ne jamais juger ou blâmer son interlocuteur. La meilleure approche est d’offrir un soutien empathique et de diriger vers les ressources adaptées. Le médecin ou le psychologue du travail peuvent être les premiers contacts avec des professionnels de santé formés à ces questions.

Les services RH, dans une PME ou une plus grande entreprise, peuvent être amenés à discuter avec des collaborateurs en souffrance psychique. Créer un environnement de confiance est donc primordial. Pour initier ces conversations, les questions doivent être ouvertes et tournées vers l’autre : « Quelles stratégies emploies-tu pour gérer la pression ? », « Depuis combien de temps éprouves-tu cela ou te bats-tu avec ce problème ? », « Quels sentiments ressens-tu actuellement par rapport à… ? ». Évitez les questions fermées, aux réponses « oui » ou « non ». Elles risqueraient de clore trop rapidement la discussion et de ne pas révéler les soucis rencontrés.

Bien sûr, ces conseils sont tout aussi valables pour les managers d’équipe, aux premières loges pour identifier d’éventuels signaux de souffrance. En mettant en place une dynamique d’échange, d’écoute et de soutien mutuel, il est plus probable de voir ses collaborateurs se confier en cas de difficultés d’ordre psychique.

Repérer les signaux discrets de souffrance psychique

Souvent, la colère est le seul signe de détresse psychologique socialement accepté. Résultat : les diagnostics de dépression masculine sont moins fréquents. Dans les faits, les symptômes peuvent être atypiques. Il peut s’agir de :

  • L’irritabilité ;
  • L’agressivité ;
  • La colère ;
  • Une anxiété excessive ;
  • Une discussion laborieuse, une difficulté à clarifier sa pensée ;
  • Un usage abusif de substances comme l’alcool, les médicaments, voire la drogue ;
  • Un engagement professionnel excessif.

Toutes ces manifestations extérieures masquent parfois des signes de dépression plus classiques, tels que la tristesse ou les variations d’appétit. La prise en charge peut donc s’avérer plus complexe. Si les professionnels de santé doivent être particulièrement attentifs à ces signaux discrets et adopter une approche empathique, c’est aussi le cas des employeurs et des collaborateurs en entreprise.

Orienter pour une meilleure prise en charge

Comme indiqué plus haut, les statistiques révèlent une réticence des hommes à utiliser les services de santé disponibles pour évoquer leurs troubles mentaux. L’obstacle n° 1 ? Nombreux sont les individus à penser que les services sont principalement conçus pour les femmes et leurs difficultés. La communication joue donc un rôle clé pour inciter la gent masculine à franchir le pas de la porte du médecin ou du psychologue. Cela peut passer par une information explicite, mais aussi par les termes employés. L’idée est d’avancer vers une prise en charge inclusive et efficace, pour les hommes comme les femmes.

Les structures de prise en charge et leur accès doivent aussi répondre aux attentes masculines. Demander de l’aide ne doit plus être vu comme un tabou, mais comme un premier pas vers le rétablissement. Pour faciliter le passage à l’action, veillez à réduire les moments de friction : proposez par exemple une prise de rendez-vous en ligne, en toute discrétion, ou un chat en direct pour obtenir le soutien nécessaire dans les instants difficiles.

Découvrez aussi : Santé des femmes au travail : pourquoi est-il urgent d’agir ?

Auteur: L'équipe Wellbeing Journey
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