28-10-2024

Salariée victime de violences conjugales : que faire ?

Depuis 1999, le 25 novembre est la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. En France, 321 000 femmes sont victimes de violences conjugales chaque année. Toutefois, ces brutalités ne s’arrêtent pas toujours à la porte du domicile de la victime. Elles peuvent non seulement continuer en entreprise (cyberviolence, conjoint présent au travail…), mais aussi avoir un impact durable sur la vie professionnelle. En tant qu’employeur, faut-il agir lorsque des violences domestiques se déroulent hors de l’organisation ? Est-il légitime de s’immiscer dans la sphère privée de ses collaborateurs ? Quelles sont les obligations légales ? L’entreprise, loin d’être un sanctuaire, peut jouer un rôle dans le soutien et l’orientation des salariées victimes de violences conjugales.

Violences conjugales : définition

Les violences conjugales englobent plusieurs formes de maltraitance, pouvant être physiques, sexuelles, psychologiques ou économiques.

  • Violence physique : c’est la forme d’agression la plus évidente et la plus courante puisqu’elle représente 66 % des violences enregistrées par les services de sécurité. Elle se manifeste par des gestes destinés à causer des blessures. Concrètement, la personne peut être victime d’actes comme des coups, des gifles, ou encore des tirages de cheveux. Ces comportements visent à exercer un contrôle par la peur et la douleur.
  • Violence sexuelle : elle se caractérise, comme son nom l’indique, par des actes à connotation sexuelle imposés sans consentement, souvent sous la menace ou le chantage. Cela peut aller de l’attouchement à des rapports forcés. Elle représente 4 % des comportements violents enregistrés.
  • Violence psychologique : cette forme de violence insidieuse vise quant à elle à abattre la confiance en soi de la victime. Dans les faits, elle peut se traduire par des remarques dévalorisantes, des menaces ou des comportements de harcèlement moral, rendant la victime dépendante émotionnellement. 30 % des violences connues des services de sécurité sont verbales ou psychologiques.
  • Violence économique : ici, le conjoint cherche à priver l’autre de son autonomie financière par le contrôle des ressources du couple, l’interdiction d’accéder à l’argent ou la mise en péril des biens communs.

En France, 86 % des victimes de violences conjugales sont des femmes et 14 % des hommes. Le nombre de faits est en augmentation de 15 % par rapport à l’année précédente. De quoi souligner l’urgence d’agir.

Quel est l’impact des violences conjugales sur le travail ?

Les violences conjugales ne se limitent pas à la sphère privée ; elles ont des répercussions directes sur la vie professionnelle de la victime. Les salariées peuvent éprouver des difficultés de concentration, une baisse de la productivité, et même des absences fréquentes liées à des blessures physiques ou à des problèmes de santé mentale.

Cette situation crée un environnement de travail difficile, où la peur et l’anxiété interfèrent avec les performances. Par ailleurs, le stress lié à la violence à domicile peut affecter les relations avec les collègues, rendant la communication et le travail en équipe plus compliqués.

À long terme, cela peut entraîner des problèmes de carrière, comme le blocage dans l’évolution professionnelle ou même la perte d’emploi.

Comment détecter les signes de violences conjugales chez une salariée ?

La détection des violences conjugales chez une salariée peut s’avérer complexe. Cependant, certains signes peuvent alerter les employeurs, collègues ou managers. Il est essentiel de rester attentif à des changements dans le comportement ou l’état de santé de la personne.

Il est important de noter que ces signaux ne sont pas exclusifs à une situation de violence conjugale ; ils peuvent également traduire d’autres difficultés personnelles ou professionnelles. Quelle que soit la cause, il est essentiel de s’y attarder en tant que collègue, RH ou employeur.

Les signes physiques

Ce sont souvent les plus évidents, mais ils peuvent aussi être facilement dissimulés. Des blessures fréquentes, telles que des ecchymoses, des coupures ou des brûlures, peuvent indiquer une situation violente. Les marques sur le corps peuvent ne pas correspondre aux explications données. Même des signes moins visibles, comme une posture anormale (par exemple, se tenir constamment sur la défense) ou des comportements d’évitement (comme éviter le contact visuel), peuvent signaler un problème sous-jacent.

Changements de comportement

Les changements de comportement peuvent également être révélateurs de violences conjugales. Une salariée qui était auparavant sociable peut devenir soudainement isolée, évitant les interactions avec ses collègues. Ce retrait social peut s’accompagner d’une anxiété accrue, la rendant nerveuse ou sur la défensive lors des conversations. L’irritabilité, des peurs injustifiées, une attitude soumise peuvent aussi être des indicateurs. Par ailleurs, une détresse émotionnelle visible (pleurs, etc.) mérite une attention particulière.

Problèmes de concentration

Des difficultés de concentration peuvent également être un signe de détresse. Si une salariée commence à avoir des problèmes pour se focaliser sur ses tâches, cela peut affecter sa performance. Des erreurs fréquentes dans son travail, qui étaient auparavant rares, peuvent indiquer qu’elle traverse une période éprouvante. Une baisse de productivité, accompagnée d’une sensation d’épuisement constant ou de fatigue, peut aussi alerter les collègues et les employeurs.

Absences répétées

Les absences répétées, qu’elles soient inexpliquées ou accompagnées de justifications vagues, doivent être prises au sérieux. Un salarié qui demande des congés de manière soudaine ou qui arrive souvent en retard pourrait cacher un problème plus grave. Ces absences peuvent être liées à des conflits familiaux ou à des situations de crise.

Quelles sont les obligations légales de l’employeur face aux violences conjugales ?

D’après l’article L. 4121-1 du Code du travail, l’employeur est tenu de garantir la sécurité et la santé physique et mentale de ses salariés, ce qui inclut la prévention du harcèlement moral et sexuel (articles L. 1152-1 et L. 1153-1).

Mais qu’en est-il des violences conjugales dont la majorité se déroule dans un cadre privé ? Longtemps, la violence domestique a été considérée comme une problématique intime, éloignée des enjeux du monde professionnel. Cependant, cette vision évolue. La convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT) souligne que la violence au sein du couple ne se limite pas à la sphère personnelle, mais qu’elle peut affecter l’emploi, la productivité, et même compromettre la santé des salariés. De plus, certaines modalités d'exercice comme le télétravail amplifient les risques encourus.

Pour répondre à cette problématique, la recommandation n° 206 de l’OIT propose une série de mesures visant à atténuer les conséquences de la violence domestique dans le milieu professionnel. Parmi celles-ci, on retrouve :

  • Des congés pour les victimes de violence domestique afin de permettre aux salariés de bénéficier d’un temps de repos sans pénalité.
  • Des modalités de travail flexibles : l’idée est d’instaurer des conditions adaptées aux besoins des victimes pour leur permettre de se sentir en sécurité et soutenues.
  • Une protection contre le licenciement. L’objectif ? Garantir que les employés ne soient pas congédiés pour des motifs dont l’origine serait la violence domestique subie.

Ces recommandations ont été mises en œuvre par divers pays. Par exemple, la Nouvelle-Zélande a instauré un congé rémunéré de 10 jours pour les collaborateurs victimes et la possibilité de bénéficier de modalités de travail flexibles durant deux mois maximum.

De nombreuses conventions collectives prévoient aussi d’agir pour soutenir les salariés et salariées victimes de violences conjugales. Par exemple, au Brésil, la convention collective du secteur bancaire offre aux victimes la possibilité de changer de lieu de travail ou divers financements.

Que faire si la salariée confirme être victime de violences conjugales ?

Lorsqu’une salariée confirme qu’elle est victime de violences conjugales, il est essentiel pour l’employeur d’agir avec délicatesse et compréhension. Voici les premiers réflexes à adopter :

Quels sont les premiers réflexes à avoir en tant qu’employeur ?

  1. Écouter avec empathie : accordez une attention particulière à la salariée. Entendez-la sans jugement et laissez-la exprimer ses sentiments. Cela peut être un moment difficile pour elle, et un soutien émotionnel est crucial.
  2. Valider son expérience : faites-lui savoir que vous prenez ses préoccupations au sérieux. Reconnaître la gravité de la situation peut renforcer sa confiance en vous.
  3. Informer sur les ressources disponibles : fournissez des indications les services de soutien psychologique, des lignes d’écoute, ou des associations spécialisées. Assurez-vous qu’elle ait accès à ces ressources.
  4. Respecter son choix : ne la poussez pas à prendre des décisions. Chaque personne réagit différemment face à des situations de violence.
  5. Documenter la situation : tenez un dossier confidentiel sur les échanges et les mesures prises. Cela peut être utile pour des références futures et pour assurer un suivi.
  6. Faire appel à une tierce personne : il peut s’agir d’un référent au sein de l’entreprise, d’un responsable RH ou du médecin du travail.

Comment garantir la confidentialité tout en assurant la protection ?

Il est essentiel de maintenir la discrétion concernant les informations partagées par la salariée, qui doivent rester strictement confidentielles. Les discussions relatives à sa situation doivent être limitées aux personnes directement impliquées dans le soutien qu’elle reçoit.

Par ailleurs, si la salariée se sent menacée, il est important d’évaluer les mesures nécessaires pour garantir sa sécurité, tout en veillant à ne pas alerter la personne concernée par les violences.

Comment réagir si le conjoint violent travaille dans la même entreprise ?

Lorsque le conjoint violent d’un salarié travaille dans la même entreprise, la situation exige une réponse immédiate de la part de l’employeur. Ce dernier doit être conscient que sa responsabilité pourrait être engagée s’il est informé des comportements agressifs et ne prend pas de mesures pour y mettre fin.

Dans un tel contexte, il est impératif d’assurer la sécurité de la victime en matière de risques psychosociaux. Cela peut induire l’application de sanctions disciplinaires appropriées à l’encontre de l’auteur des violences, qui peuvent aller d’un simple avertissement à un licenciement sans indemnités.

Quel est le rôle de l’entreprise dans la lutte contre les violences conjugales ?

Établir une culture de sensibilisation

Sensibiliser au sein de l’entreprise est l’une des clés pour lutter contre les violences conjugales. Cela peut passer par l’organisation de sessions de formation régulières destinées à informer les collaborateurs et les managers sur les signes et les conséquences des maltraitances. Des campagnes de communication interne peuvent également être mises en place pour faire connaître les ressources disponibles.

Mettre en place un protocole d’intervention

La création d’un protocole d’intervention structuré est une démarche efficace pour gérer les situations de violences conjugales. Ce document doit définir les étapes à suivre en cas de signalement, précisant les rôles de chacun, de la direction aux ressources humaines. Il est également important d’inclure des mesures concrètes pour protéger la victime, comme des ajustements d’horaires ou de lieux de travail.

Désigner un référent au sein de l’entreprise

Les entreprises de plus de 250 salariés ont l’obligation de désigner un référent « harcèlement sexuel et agissements sexistes ». Pourquoi ne pas aller plus loin en nommant un référent « violences conjugales » ? Cette personne, formée et informée, devient le point de contact privilégié pour les employés souhaitant parler en toute confiance de leur situation. Elle devra être capable d’écouter, de conseiller et d’orienter les victimes vers des ressources appropriées, telles que des services d’aide psychologique ou juridique.

Quels outils et ressources mobiliser pour lutter contre les violences domestiques ?

Pour s’attaquer aux violences domestiques, l’entreprise peut mobiliser divers outils et ressources. Parmi ceux-ci, il est pertinent d’établir des partenariats avec des associations spécialisées qui offrent un soutien aux victimes.

Voici quelques organismes clés à contacter :

Pour obtenir des informations supplémentaires sur les ressources disponibles dans votre région, vous pouvez visiter le site Violences Femmes Info et indiquer votre ville ou votre code postal.

À lire aussi : La santé mentale des femmes au travail se dégrade : un enjeu pour les entreprises

Auteur: L'équipe Wellbeing Journey
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